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Les "Peaux-Rouges" en guerre contre les Washington Redskins

Cela fait vingt ans que des associations d'Indiens essayent de faire plier l'équipe de football américain des "Peaux-Rouges" de Washington, qui pèse plus d'un milliard d'euros...

       

Le joueur des Redskins Robert Griffin III, lors du match entre son équipe et Philadelphie, le 9 septembre 2013, à Landover (Maryland, Etats-Unis).  (ROB CARR / GETTY IMAGES NORTH AMERICA)

Par Pierre Godon

Mis à jour le , publié le

Les Washington Redskins [en VF : "Peaux-Rouges"], ça vous choque ? Pour certains, c'est aussi péjoratif que si cette équipe de football américain s'appelait "les négros de Washington". "Nous ne changerons jamais le nom. J-A-M-A-I-S, vous pouvez l'écrire en majuscules." Le patron des Redskins n'y est pas allé par quatre chemins pour rejeter formellement l'idée de débaptiser l'équipe sous la pression du lobby indien.

Roger Goodell, le grand patron de la NFL, le championnat nord-américain, s'est montré plus prudent, le 11 septembre dernier : "Nous devons prendre garde à tout faire pour montrer la franchise sous un jour positif. Si nous offensons quelqu'un, nous devons l'écouter et tout faire pour régler le problème." Alors, les Washington Redskins doivent-ils être renommés ?

Vingt ans de bataille judiciaire

Le débat n'est pas neuf. La première action en justice d'une association d'Indiens remonte à 1992. Les plaignants se sont attaqués au portefeuille, en contestant que "Redskins" puisse être une marque déposée. Une loi interdit tout copyright sur les mots injurieux, et redskin est un cas tangent (la radio américaine NPR a retracé l'origine du terme, initialement utilisé par les Indiens eux-mêmes pour se désigner). La première plainte avait débouché sur 17 ans de décisions contradictoires, avant que la Cour suprême se déclare incompétente à trancher le litige. Et dire qu'une des plaignantes, Suzan Shown Harjo, avait déclaré sur CBS  en 1998 : "Dans dix ans, on n'en parlera plus !"

Les anti-Redksins semblent avoir le vent en poupe. Plusieurs médias influents (Slate, Mother Jones (en anglais) ou le blog spécialisé d'ESPN) ont décidé de rebaptiser les Redskins "l'équipe de Washington" ou les "Washington [censurés]". Le maire de Washington a rejoint leur lutte. De nombreux articles ont rappelé que le propriétaire de la franchise en 1933 avait baptisé son équipe pour "rendre hommage aux qualités de bravoure et de rudesse des Indiens". Une bonne intention à l'époque... qui passe beaucoup moins bien dans le monde politiquement correct d'aujourd'hui. 

    

Un supporter des Washington Redskins lors du match contre les Philadelphia Eagles, le 9 septembre 2013 à Landover (Maryland, Etats-Unis).  (LARRY FRENCH / GETTY IMAGES NORTH AMERICA)

Dans le sport américain, les clichés ont la vie dure

Mais le public de base du football américain ne l'entend pas de cette oreille. Selon un sondage publié par Associated Press (en anglais), près de 80% d'entre eux sont opposés à un changement de nom. D'autres enquêtes ont été menées au moment de la première plainte, puis en 2002 par le magazine Sports Illustrated (en anglais), pour un résultat similaire. Plus significatif, un sondage réalisé auprès d'Indiens (PDF en anglais) en 2004 montre qu'une majorité se désintéresse du débat. L'essoufflement se ressent aussi côté mobilisation : 2 000 personnes avaient manifesté lors de la finale du Super Bowl 1992 entre les Redskins et les Buffalo Bills, contre quelques dizaines lors de la rencontre du week-end dernier contre les Green Bay Packers.

Le problème est loin de se cantonner aux seuls Redskins. Dans toute l'Amérique, des dizaines d'équipes ont des références plus ou moins flatteuses aux Indiens. La plus célèbre, la mascotte Chief Wahoo de l'équipe de baseball des Cleveland Indians, n'est pas remise en question.

    

"Chief Wahoo", la mascotte des Cleveland Indians, lors d'un match à Oakland (Californie) le 16 août 2013.  (JASON O. WATSON / GETTY IMAGES NORTH AMERICA)

Mais sous la pression, des dizaines d'autres ont abandonné ces références. A l'image des Chinks de Pekin, une ville de l'Illinois baptisée en référence à la capitale chinoise. Les deux mascottes de l'équipe de basket, Chink et Chinklette, se déguisaient en Chinois pour chauffer les spectateurs avant les rencontres. "Se déguiser ainsi, c'était un grand honneur", se souvient une Chinklette des années 60 dans le Chicago Tribune. En 1980, quand la mascotte a été changée pour un dragon, les fans ont organisé une manifestation en ville, brandissant des panneaux avec "Pekin Chinks, Dragon Stinks" (le Chink pour Pékin, le dragon craint).

La difficile équation du changement de nom

Changer de nom, c'est tout sauf une sinécure. Prenez les étudiants de Tracy et Milroy, dans l'Indiana, à qui on a demandé de choisir un "blase" pour leur équipe, en 1986. Ils ont choisi les Blue Devils... et se sont attirés les foudres des parents d'élèves, qui trouvaient le nom anti-chrétien. Les autres propositions, les Silvers Bullets (les balles d'argent) et les Bandits, n'ont pas fait l'unanimité non plus. 

Plus conservateur qu'un supporter, ça n'existe pas. Jane Fonda, épouse du propriétaire du club des Atlanta Braves à l'époque, avait promis la fin du tomahawk chop, une danse imitant les Indiens exécutée avant chaque match. C'était en 1991, et depuis, rien n'a changé.

Plus conservateur qu'un patron, ça n'existe pas non plus. D'après Forbes (en anglais), la marque "Redskins" pèse 1,6 milliard de dollars (1,2 milliards d'euros) et se classe 13e sur 32 en terme de loyauté des fans. Cela dit, un changement de nom ne serait pas catastrophique : "Bien sûr, des gens vont devenir fous furieux sur Facebook, mais il n'y a aucune chance qu'ils se retrouvent avec un stade vide", nuance Allen Adamson, spécialiste du marketing, interrogé par Business Week(en anglais). D'ailleurs, le patron des Redskins a discrètement engagé des démarches pour déposer les droits des Washington Warriors.

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